EDOUARD MANET (1832-1883)
EDOUARD MANET (1832-1883)
LE PEINTRE QUI A OUVERT LA VOIE
À LA PEINTURE MODERNE
Lors du scandale provoqué par Olympia (1863), Zola défend Manet, s’attardant particulièrement sur deux détails, le visage et le bouquet :
« Regardez la tête de la jeune fille : les lèvres sont deux minces lignes roses, les yeux se réduisent à quelques traits noirs. Voyez maintenant le bouquet, et de près, je vous prie : des plaques roses, des plaques bleues, des plaques vertes. Tout se simplifie, et si vous voulez reconstruire la réalité, il faut que vous reculiez de quelques pas. Alors il arrive une étrange histoire : chaque objet se met à son plan, la tête d’Olympia se détache du fond avec un relief saisissant, le bouquet devient une merveille d’éclat et de fraîcheur. La justesse de l’œil et la simplicité de la main ont fait ce miracle ; le peintre a procédé comme la nature procède elle-même, par masses claires, par larges pans de lumière, et son œuvre a l’aspect un peu rude et austère de la nature. »
(Article d’Émile Zola, paru dans L’Événement illustré du 10 mai 1868).
L'EXEMPLE DE CHARLES BAUDELAIRE,
PREMIER POÈTE MODERNE
Baudelaire avait en tout cas l’ambition d’être le premier poète moderne. Il a inventé un répertoire de clichés, de « poncifs », comme il les appelle, dans lequel des générations de poètes puiseront : fuite du temps, femme vampire, ville attirante et « infâme », poète incompris… Mais la modernité chez Baudelaire recouvre quelque chose de plus fondamental. Robert Kopp disait très justement que Les Fleurs du Mal pouvaient se définir comme une forme de « poésie moderne », et Le Spleen de Paris comme de la « poésie de la modernité ».
Les Fleurs du Mal introduisent des thèmes nouveaux en poésie, mais Le Spleen de Paris exprime profondément l’expérience d’être un homme moderne. C’est d’ailleurs une œuvre de plus en plus lue, et qui a repris toute sa place dans l’œuvre de Charles Baudelaire. Ce qu’on y voit, c’est que l’expérience de la modernité, à la fois existentielle, métaphysique, poétique et spirituelle, est d’abord une expérience de la contradiction, entre le spleen et l’idéal, le transitoire et l’éternel, le fini et l’infini, la poésie et la prose… C’est cette idée que Baudelaire a véritablement inaugurée.
QUE DIRE DE LE POÈME "L'IDÉAL"
MODERNE DE BAUDELAIRE ?
L'Idéal est un sonnet écrit par Charles Baudelaire dans son recueil Les Fleurs du mal (1857) ; il fait partie de la section Spleen et Idéal, auquel il donne une partie de son titre.
À son propos, Baudelaire disait : « dans ce livre atroce j’ai mis tout mon cœur, ma tendresse et ma haine ». Le terme « idéal » apparaît dans le poème dans le ver « Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal ». En plus d'être le poète du spleen, Baudelaire est aussi le poète de l'idéal, « c'est-à-dire de l'aspiration vers la perfection, vers le monde des Idées où toute contrainte est effacée ».
Baudelaire indique dans ce sonnet son mépris pour un certain type de féminité, en particulier celui représenté par les gravures de mode de Gavarni, cité dans le poème.
L'IDÉAL
Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes,
Produits avariés, nés d'un siècle vaurien,
Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes,
Qui sauront satisfaire un cœur comme le mien.
Je laisse à Gavarni, poète des chloroses,
Son troupeau gazouillant de beautés d'hôpital,
Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses
Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal.
Ce qu'il faut à ce cœur profond comme un abîme,
C'est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime,
Rêve d'Eschyle éclos au climat des autans,
Ou bien toi, grande Nuit, fille de Michel-Ange,
Qui tors paisiblement dans une pose étrange
Tes appas façonnés aux bouches des Titans.
Dans ce sonnet en forme de manifeste, Baudelaire attaque les artistes de son temps, et définit en creux sa propre conception de la beauté, marquée par la violence et le mouvement. La dimension visuelle est prégnante, qu'elle apparaisse dans le détail des tenues des femmes, ou dans la "pose étrange" d'une sculpture.
L'ART DE MANET EN MARCHE VERS L'ART MODERNE
L’art de Manet, plus encore que celui de Courbet, établit avec la tradition classique une rupture ouvrant la voie à l’impressionnisme, et à sa suite toutes les écoles qui représenteront l’art moderne. Comme Baudelaire, il va jouer un rôle d’intermédiaire entre deux époques. Dans la spontanéité précoce de sa manière de rendre un spectacle directement observé – et que la critique de l’époque confond avec un barbouillage grossier qui « écorche les yeux comme la musique de foire fait saigner les oreilles » –, dans l’oubli du « sujet académique » au profit d’une affirmation de l’œuvre pour elle-même, il offre un berceau à l’art moderne.
LE RAPPORT DE MANET AVEC LES INTELLECTUELS
Manet a été toute sa vie très proche du milieu littéraire, des écrivains et des poètes. Charles Baudelaire le rencontre à la fin des années 1850 chez une relation commune. Une grande connivence se noue immédiatement entre les deux hommes, et l'optique baudelairienne marque la production du peintre jusqu’en 1860. En 1866, Émile Zola soutient l’artiste après un nouvel échec au Salon et publie quelques années plus tard une monographie sur son art. Manet fréquente tardivement le cercle poétique de Stéphane Mallarmé avec qui il se lie d’une grande amitié. Il exécute diverses illustrations de ses publications. Mallarmé, après Baudelaire et Zola (1868), pose en 1876 pour le peintre, qui réalise de lui un admirable portrait.
MANET AU CARREFOUR ARTISTIQUE
Si Manet n’accepte pas les « recettes » des peintres des ateliers, il ne rejette pas la leçon des maîtres du passé. Son choix se porte sur Titien, Véronèse, Giorgioneou Frans Hals, dont il aime la touche large, sensuelle et nerveuse. Et surtout, les Espagnols – Vélasquez, le Greco, Goya – sont sa source d’inspiration constante : en 1865, après l’échec d’Olympia, c’est à Madrid qu’il vient chercher un nouvel élan créatif.
CHEF DE FILE MALGRÉ LUI
Les futurs impressionnistes, qui sont avant tout les jeunes artistes de l'époque ayant en commun le souci d'échapper à l'académisme, le désignent comme tête de file de leur révolte, en dépit de ses protestations. Pourtant, Manet peint relativement « sombre », suivant en cela les préceptes académiques auxquels il revient parfois comme pour prouver son savoir-faire. Pissarro, Alfred Sisley, Cézanne, tous ceux qui se rangeront sous la bannière de l’impressionnisme peignent alors d’une manière nettement plus novatrice, révolutionnaire pour l’époque, privilégiant la construction par la couleur au dessin préliminaire. Ce souci du « métier » n’empêche pas de considérer Manet aujourd’hui comme le précurseur d’un mouvement qu’il a malgré lui préparé et dont le grand représentant sera un presque homonyme, Monet.
Le milieu du 19e siècle marque en peinture la rupture avec l’académisme, qui subsistera cependant jusqu’au début du 20e siècle. Edouard Manet est un des peintres importants de cette rupture. Son œuvre se situe plutôt dans le courant réaliste, mais il subit également l’influence majeure de l’impressionnisme dans la mesure où il entretient des relations amicales avec les peintres de ce courant, Claude Monet en particulier. Berthe Morisot, qui l’admirait beaucoup, devient sa belle-sœur après avoir été son élève et son modèle. Les relations de Manet et de l’impressionnisme sont complexes. Il ne participe pas aux expositions impressionnistes mais il les soutient. Sa peinture n’est pas à proprement parler impressionniste mais il influence les peintres de ce courant comme le brillant aîné qui a osé bousculer les conventions académiques.
L’œuvre comprend plus de quatre cents huiles, des aquarelles, des pastels, des gravures et des dessins. Manet est un peintre exceptionnellement doué qui est capable d’appréhender tous les domaines. Son champ thématique est donc très large. Il a exploré tous les genres : scènes historiques, portraits, paysages, marines, scènes de genre (cafés, loisirs en plein air), natures mortes.
QUEL EST L'HÉRITAGE ARTISTIQUE D’ÉDOUARD MANET ?
Adolescent dissipé, Manet devint un peintre provocateur. Le génie est à ce prix. S’il rompt avec son professeur Thomas Couture, il est assez sage pour profiter de ses leçons dans ses premières toiles. Sans doute abandonne-t-il l’académisme, mais en s’imprégnant des grands peintres espagnols (Vélasquez, Goya), il rend hommage à l’esthétique classique de la représentation (Le chanteur espagnol, 1860).
La provocation se situe dans le choix de certains sujets de jeunesse, comme Le déjeuner sur l’herbe (1862). Il suffit de remplacer les dieux antiques par des hommes du 19e siècle auprès d’une femme nue assise sur l’herbe, et celle-ci devient miraculeusement indécente alors qu’elle était jusqu’alors une muse ou une déesse tout à fait convenable. Peu d’artistes étaient capables de mettre ainsi en évidence l’archaïsme des conventions académiques.
« J’ai fait ce que j’ai vu » disait Manet pour se défendre de l’accusation de provocation systématique. Sa sincérité est en effet totale, comme celle de Caravage lorsqu’il transforme les voyous de Rome en personnages de la mythologie. S’il se heurte aux dominantes de son siècle, c’est que sa vocation est d’innover. Il ne voit pas comme les autres. Monet, Renoir, Cézanne non plus. Le regard nouveau qu’il porte sur la réalité le conduit rapidement aux scènes de plein air, comme La Musique aux Tuileries (1862).
Il inonde ses compositions de lumière, simplifie les formes pour aller à l’essentiel, ne s’intéresse pas à la perspective mais aplatit la composition pour privilégier lumière et couleur (Le chemin de fer, 1873). Son influence sur ses amis impressionnistes est patente, mais il conserve sa liberté, n’appartenant à aucun courant, à aucune école, sinon celle de la modernité.
Édouard Manet est un peintre qui apprend la technique académique chez Thomas Couture pour la mettre au service de sa subjectivité. Mais il s’imprègne aussi de toutes les innovations du moment, du réalisme de Courbet à l’impressionnisme. Il devient ainsi l’une des figures les plus originales du renouveau de l’art à la fin du 19e siècle.
UNE MUSIQUE D'UN BONHEUR CONTAGIEUX
Lalo, Symphonie espagnole - David Grimal & Les Dissonances
https://youtu.be/jdf7Zxsa3b8
la Symphonie espagnole composée en 1874 par Edouard Lalo.
Allegro non troppo
Scherzando : Allegro molto
Intermezzo : Allegretto non troppo
Andante
Rondo : Allegro
La place de Lalo constitue l’un des ponts jetés dans la musique française entre la disparition de Berlioz, qu’il connaîtra fugitivement sur le tard (Berlioz le cite en 1865 parmi ses « virtuoses favoris »), et l’avènement de Debussy. Au plan de l’inspiration également.
La Symphonie espagnole, l’ouvrage qui fera le plus pour la renommée du musicien, hérite à n’en pas douter d’Harold en Italie. Les deux symphonies conjuguent la part d’un instrument principal, l’alto pour l’œuvre de Berlioz et le violon pour celle de Lalo, tout en évitant l’appellation – et les tics – du concerto. Avec pareillement l’évocation de contrées de la Méditerranée propices au dépaysement, à l’imaginaire, à la nostalgie : l’Italie dans un cas, l’Espagne dans l’autre. Sachant que le musicien lillois descendait doublement, côtés paternel et maternel, d’un lignage espagnol établi aux Pays-Bas depuis les temps lointains de Charles Quint. De là aussi le sentiment à la fois héroïque et robuste que l’on a cru déceler dans sa musique, et tout particulièrement dans sa Symphonie.
Outre la participation d’un soliste, la symphonie tranche aussi par son découpage : en cinq mouvements, peu habituels au genre symphonique, et moins encore à celui concertant. C’est ici encore à Berlioz que l’on songe, mais cette fois à celui de la Symphonie fantastique. Lalo était lui-même un violoniste de talent (comme le rappelle Berlioz). De son goût pour l’instrument et de sa rencontre avec Pablo de Sarasate, gloire du violon s’il en est en ce temps, et de surcroît issu d’un pays qui ne pouvait que susciter son imagination, est née la Symphonie espagnole. À la croisée de plusieurs inspirations. Le premier mouvement débute par de grands accords intenses de l’orchestre, aussitôt enchaînés à un thème du violon d’égale profondeur, passionné sous la virtuosité et entrecoupé des sautes brutales des reprises orchestrales.
Un autre motif thématique pourrait emprunter à une mélodie espagnole, assez diffuse toutefois, entrechoquée d’évocations du premier thème en rythmes dansants (de séguedilles ?). La couleur espagnole se fait encore plus caractérisée pour le Scherzando, commencé par des pizzicatos des cordes en grattements de guitare, pour laisser place à l’entremêlement d’un violon aux teintes d’aubade au-dessus d’une jota sautillante de l’orchestre. C’est à Debussy que l’on songe, celui à venir d’Ibéria. Dans l’Intermezzo, de puissants accords en récitatifs de l’orchestre conduisent à une habanera du violon, que des tutti bousculent par endroits.
L’Andante pénètre dans un autre climat, en forme de sombre choral, sur une mélodie au souffle large du violon accompagnée d’un orchestre cuivré, toujours dans le bas du registre. L’inspiration prend ici son envol, redescendue pour finir par trois imperceptibles accords conclusifs des cordes (d’orchestre et du soliste). Des appels en forme de 7 tintements lointains d’orchestre, puis plus rapprochés, donnent l’entrée au soliste pour le passage le plus virtuose qui lui est dévolu. Le mouvement Rondo se poursuit par une malagueña déhanchée qui réunit le couple soliste et orchestre, avant une reprise aérienne et festive du passage initial.
VOUS AVEZ BON GOÛT !
Ce qui m'anime dans cette quête c'est la curiosité intellectuelle, le goût de la connaissance et l'envie de savoir. Si vous êtes comme moi, avec l'envie d'apprendre, aux rivages de la beauté musicale, picturale, poétique.
CULTURE JAI
(L'Histoire de l'Art en Musique)
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(Histoire Moderne en Musique)
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