GABRIELE MÜNTER (1877-1962)
GABRIELE MÜNTER
(1877-1962)
LA PLUS FAUVE
DES EXPRESSIONNISTES ALLEMANDS
En France, l'expressionnisme a longtemps été rejeté, comme une calamité germanique et brumeuse. Soulignant l'attraction qu'exerçait le Paris brillant des années folles sur l'internationale cosmopolite des arts et des lettres, Paul Morand lui oppose le repoussoir allemand : « Londres, New York [...] avaient les yeux fixés sur nous [...]. Je ne parle pas de Berlin qui se tordait alors dans les affres de la dévaluation, de la faim et de l'expressionnisme. »
L'expressionnisme aurait donc été l'enfer des autres : tout au moins l'effondrement esthétique résultant d'une débâcle guerrière, politique et cosmopolite. Ses œuvres, convulsives et avortées, traduiraient la faillite historique du peuple allemand et de ses élites. Et l'ignorance de l'expressionnisme, en France, n'a jamais empêché de le condamner.
Or un tel jugement se fonde sur un contresens historique. L'explosion expressionniste advient avec le mouvement de rénovation artistique et littéraire qui se manifeste en Allemagne à partir de 1905. Après 1918, l'expressionnisme ne fait plus guère que se survivre quelques années à lui-même.
On a donc pris les derniers soubresauts d'un phénomène esthétique pour son zénith. Bien loin d'avoir poussé sur les décombres de la République de Weimar, l'expressionnisme en a été comme le rêve prémonitoire et la prophétie d'apocalypse.
L'EXPRESSIONISME N'EST PAS "UN ART DÉGÉNÉRÉ" !
L’expressionnisme est un courant artistique figuratif apparu au début du XXe siècle, en Europe du Nord, particulièrement en Allemagne. L'expressionnisme a touché de multiples domaines artistiques : la peinture, l'architecture, la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique, la danse, etc. L'expressionnisme fut condamné par le régime nazi qui le considérait comme un « art dégénéré ».
Art dégénéré (en allemand : Entartete Kunst) était l'expression officielle adoptée par le régime nazi pour interdire l'art moderne en faveur d'un art officiel appelé l'« art héroïque ».
La théorie était la suivante : l'art héroïque a symbolisé l'art racial pur, la libération de la déformation et de la corruption, alors que les modèles modernes déviaient de la norme prescrite de la beauté classique. Les artistes de races pures ont produit l'art racial pur, et les artistes modernes d'une contrainte raciale inférieure ont produit les travaux qui étaient dégénérés. Paradoxalement, les nazis ont repris le terme « dégénéré » des écrits du penseur juif Max Nordau1, alors que le régime nazi mettait un point d'honneur à rejeter tout concept émanant d'un intellectuel juif, et que la « dégénérescence » théorisée par Nordau comprenait, entre autres, l'antisémitisme. Dans l'adaptation nazie, elle a été employée pour défendre les vues d'une théorie culturelle de déclin et de racisme.
D'abord appliqué aux arts plastiques, le terme d'« art dégénéré » est ensuite étendu à la musique (Schönberg, Kurt Weill, Ernst Křenek, Erwin Schulhoff par exemple, mais aussi la musique swing), à la littérature ou encore au cinéma (Max Ophüls, Fritz Lang, Billy Wilder).
QUI ÉTAIT L'ARTISTE PEINTRE GABRIELE MÜNTER ?
Gabriele Münter, née le 19 février 1877 à Berlin et décédée le 19 mai 1962 à Murnau am Staffelsee, est une peintre allemande du mouvement expressionniste. Elle est l'une des représentantes majeures de l'avant-garde munichoise du début du XXᵉ siècle en tant que membre du mouvement artistique Der blaue Reiter.
QUEL EST LE STYLE ARTISTIQUE
DE GABRIELE MÜNTER ?
Le style de Gabriele Münter a évolué au long de sa carrière mais c’est en 1908 à Murnau am Staffelsee que son développement artistique prend un tournant majeur alors qu’elle délaisse la touche et les couleurs impressionnistes pour adopter un nouveau style : l’expressionnisme. Son style se caractérise désormais par des couleurs pures appliquées en aplat ainsi que par des formes simplifiées, souvent délimitées par des contours noirs.
Ses compositions sont dépourvues d’ombres et la perspective est réduite en faveur de la surface. Ce renouveau formel témoigne d’une quête de synthèse et d’une volonté de s’émanciper du modèle de la nature pour faire prévaloir l'expression d'un sentiment intérieur. Peintre de plein air, les paysages sont son motif préféré et constituent une source d’inspiration constante depuis ses tout débuts. La nature morte et le portrait font également partie des genres qu’elle pratique, son art restant presque toujours figuratif.
LA JEUNESSE HEUREUSE DE GABRIELE MÜNTER
Née en 1877 à Berlin de parents bourgeois qui ont soutenu sa vocation de peintre avant de mourir prématurément, Gabriele Münter s'intéresse très tôt à l'art et suit des cours particuliers de dessin avant de fréquenter l'École d'art pour femmes de Düsseldorf à partir de 18971, son sexe lui interdisant d'entrer dans une académie des beaux-arts.
Elle entreprend ensuite un voyage de deux ans aux États-Unis, accompagnée de sa sœur Emmy. Les deux femmes parcourent l'Amérique du Nord, une excursion peu ordinaire pour des femmes seules, à l'époque. Puis elle déménage à Munich en 19011. Ne pouvant toujours pas entrer à l'académie des Beaux-Arts, elle fréquente une école de peinture pour femmes, tout en se rendant aux cours de peinture d'une école fondée par Vassily Kandinsky, la Phalange1.
À l'été 1902, le peintre russe invite sa brillante élève à suivre ses cours d'été dans les Alpes, au sud de Munich, dans le village de Murnau am Staffelsee, en Bavière. Pendant ce séjour, une relation amoureuse s'établit entre le maître et sa jeune élève qui continue de suivre ses cours pendant un an, jusqu'à ce que Kandinsky ferme son école. Gabriele Münter et Vassily Kandinsky affichent alors leur liaison ; ils vivent ensemble sans être mariés, ce qui constitue en soi un acte de courage pour une jeune femme au début du XXe siècle.
GABRIELE MÜNTER AVANT LA GRANDE GUERRE
Lors de leur premier séjour à Paris de 1906 à 1907, Münter et Kandinsky découvrent les œuvres d'Henri Matisse et du fauvisme. Cette découverte va profondément bouleverser le style de Gabriele Münter. En 1907, elle a déjà rempli plusieurs carnets de croquis. Elle a exposé, plusieurs toiles ayant été acceptées au Salon des Indépendants. Elle tient également un journal et documente ses voyages avec un appareil photo. Elle tisse des liens amicaux avec la plupart des plus célèbres artistes de l'époque.
Elle exécute un certain nombre de gravures sur linoléum, puis se met à étudier l'œuvre de Paul Gauguin. Influencée par ce dernier, elle peint à l'occasion au couteau. À Paris, elle perfectionne aussi sa technique de gravure sur bois, ce qui lui permet de réaliser des travaux plus précis en moins de temps. Elle crée de nombreuses gravures sur bois ou sur métal qui constituent un quart de son œuvre. À son retour à Munich, elle peint également de petites peintures de style impressionniste. L'art de Münter reste encore attaché au figuratif.
En 1909, elle achète une maison à Murnau am Staffelsee. Elle y passe ses étés avec Kandinsky et y reçoit de nombreux artistes munichois de l'avant-garde artistique : Marianne von Werefkin, Alexej von Jawlensky et Adolf Erbslöh. Plus tard, Franz Marc, August Macke et le compositeur Arnold Schönberg séjournent aussi dans la « maison des Russes », ainsi appelée sur place à l'époque.
Münter y passe une grande partie de sa vie. Vers 1910, elle commence à utiliser le verre comme support de ses tableaux. Ce procédé est ensuite adopté par Kandinsky, Franz Marc, Macke et Heinrich Campendonk. Elle demeure toutefois la première à copier les pratiques traditionnelles liées à cette technique.
Elle participe à la création d'une nouvelle fondation des artistes munichois, qu'elle quitte en 1911 avec Kandinsky, Franz Marc et Alfred Kubin. Ensemble, en 1911, ils fondent le groupe expressionniste d'avant-garde appelé Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu), dont ils forment le noyau dur auquel se joint Paul Klee. Elle joue un rôle essentiel dans la diffusion et la promotion de ces deux groupements d'artistes.
En 1913, elle est la première artiste à bénéficier d'une exposition en solo à la galerie Der Sturm, réunissant 84 tableaux. Kandinsky et Münter forment un couple uni et entreprennent des voyages en Tunisie, aux Pays-Bas, en Italie et en France.
Pendant la Première Guerre mondiale, Vassily Kandinsky, devenu ennemi de la Patrie, quitte l'Allemagne et retourne en Russie. Münter vit quant à elle en Scandinavie de 1915 à 1920 et rencontre Kandinsky une dernière fois à Stockholm avant que celui-ci ne rompe définitivement en 1917. Un an plus tard, Münter apprend que celui-ci vient de se marier.
L'ALLEMAGNE DE GABRIELE MÜNTER
DANS L'ENTRE DEUX GUERRE
À partir de 1920, Münter vit entre Cologne, Munich et Murnau. Les dépressions chroniques dont elle souffre l'éloignent de la peinture. Ce n'est qu'après son installation à Berlin, en 1925, qu'elle se remet à créer et que voient le jour ses petits portraits de femme au crayon. Sa créativité connaît une nouvelle impulsion lors d'un séjour prolongé à Paris en 1929-1930. En 1931, elle déménage à Murnau avec son deuxième compagnon, l'historien d'art Johannes Eichner. Là-bas, elle peint des natures mortes fleuries, mais aussi de nombreuses études abstraites à la peinture à l'huile.
LA VIE DE GABRIELE MÜNTER
PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE
En 1937, les nazis lui interdisent d'exposer, ce qui l'oblige à se retirer de la vie publique. De même, les œuvres de Kandinsky et des autres membres du Cavalier bleu sont qualifiées d'art dégénéré par les nazis. Ce n'est que grâce à Gabriele Münter, qui cache leurs œuvres dans le sous-sol de sa maison de Murnau, que survivent la plupart des toiles de la période d'avant-guerre, si décisive et productive pour le mouvement et pour Kandinsky.
LA RENAISSANCE DANS LA VIE DE GABRIELE MÜNTER
Après la Seconde Guerre mondiale, Gabriele Münter est chargée d'une rétrospective sur les œuvres du Cavalier bleu pour la Maison des Arts de Munich. À partir de 1950, une exposition de ses œuvres complètes est présentée dans de nombreux musées allemands. Pour son quatre-vingtième anniversaire, elle offre à la ville de Munich l'intégralité de sa collection, qui compte beaucoup de ses propres œuvres, mais aussi plus de quatre-vingt œuvres de Vassily Kandinsky et d'autres membres du Cavalier bleu, offrant subitement une renommée internationale à la Galerie du Lenbachhaus de Munich. Cette galerie abrite aujourd'hui la plus importante collection des œuvres du groupe du Cavalier bleu.
Elle meurt à Murnau en 1962, quatre ans après son nouveau compagnon. Leur tombe se trouve près de l’église, juste en face de sa maison. La « maison des Russes » de Murnau, aujourd'hui transformée en musée, abrite des œuvres personnelles de Gabriele Münter et Wassily Kandinsky et expose, outre des meubles et des murs peints, une collection d'objets folkloriques.
UNE MUSIQUE D'UN BONHEUR CONTAGIEUX
Arnold Schoenberg : "La Nuit transfigurée"
https://youtu.be/NA50DcC34G4
Li-Kung Kuo (violon), Anastasia Karizna (violon), Manuel Vioque-Judde (alto), Tanguy Parisot (alto), Jérémie Billet (violoncelle) et Adrien Bellom (violoncelle) interprètent un extrait de "La Nuit transfigurée" d'Arnold Schoenberg.
Arnold Schönberg, ou Arnold Schoenberg est un compositeur, peintre et théoricien autrichien né le 13 septembre 1874 à Vienne, et mort le 13 juillet 1951 à Los Angeles. Deux siècles après Jean-Sébastien Bach et Jean-Philippe Rameau, qui avaient posé les fondements de la musique tonale, il chercha à émanciper la musique de la tonalité et inventa le dodécaphonisme, qui aura une influence marquante sur une part de la musique du XXe siècle.
Converti au protestantisme en 1898, comme de nombreux juifs ayant choisi à l'époque l'assimilation, gage d'une certaine respectabilité, Schönberg dut néanmoins se préoccuper de l'antisémitisme, ce qui l'amena à repenser sa propre religion.
Face à la montée de l'antisémitisme, qu'il subit lui-même, bien que converti, lors d'un séjour en vacances à Mattsee en 1921, il devient, surtout à partir de 1923, de plus en plus amer et virulent. En 1933, il se reconvertit au judaïsme à la synagogue de la rue Copernic, à Paris, avec comme témoin Marc Chagall.
Aux États-Unis il esquissera même un projet de sauvetage des juifs d'Europe et, pour le réaliser, évoquera même la possibilité d'abandonner la musique ; mais ce projet ne se réalisera pas. Au cours de la dernière décennie de sa vie, il tentera de proposer un nouveau type de liturgie juive, et même une reformulation complète de certaines prières (le Kol Nidré, prière qui ouvre le Yom Kippour). Il sera très enthousiaste lors de la création de l'État d'Israël en 1948, composant pour la circonstance : Dreimal tausend Jahre opus 50a (Trois fois mille ans) et une cantate qui restera inachevée Israel exists again (Israël existe à nouveau).
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