LA PEINTURE D'AMADEO BOCCHI
LA PEINTURE DES AMOURS QUI SE MEURENT
D'AMADEO BOCCHI
"Capri ! Au pied des Faraglioni, l'île rayonne d'azur et de sérénité. Pourtant, le drame couve entre Emilia et Riccardo.
Perdu dans les méandres d'un scénario sur l'Odyssée, Riccardo sent sa femme se détacher de lui. Emilia ne l'aime plus. Pire, elle le méprise.
Drôle de coïncidence ! Riccardo voit soudain sa propre vie se superposer à son scénario. Si Ulysse tarde à revenir à Ithaque, c'est par crainte de revoir Pénélope, sachant qu'il doit la reconquérir. Reconquérir Emilia !
Voilà bien l'unique obsession de Riccardo ! Sait-il seulement ce qui agite Emilia ? Désenchantement ? Ennui ? Attirance secrète pour Battista, le fastueux producteur ? Dans « le ciel bleu du mépris », l'orage gronde..."
Alberto Moravia
QUEL EST CE ROMAN "LE MÉPRIS"
D'ALBERTO MORAVIA ?
De quoi est-il question dans Le mépris ? De la soudaine distance, précisément teintée de mépris, éprouvée par une femme, Emilia, à l’encontre de son mari Riccardo. Une distance intervenue après deux années d’un mariage heureux. A vrai dire, le roman rend compte des tentatives, vaines, de la part de Riccardo pour comprendre et conjurer la soudaine distance que lui témoigne sa femme, car le narrateur n’est autre Riccardo.
Des pensées d’Emilia, ainsi que de celles des autres protagonistes, en dehors de leurs propos nous ne savons que ce que le narrateur suppose. Nous sommes dans une longue confession, au cours de laquelle le narrateur raconte comment il a perdu la femme qu’il aimait.
Les événements se déroulent à Rome, à une époque que Moravia ne précise pas (le livre est écrit en 1955). Rome et Capri. Rome tout d’abord où Riccardo, critique de cinéma désargenté et aspirant homme de théâtre, accepte d’écrire des scénarios pour le compte du producteur Battista.
L’un et l’autre cependant développent des conceptions esthétiques radicalement différentes et incompatibles : au contraire de Riccardo, Battista, chevalier d’industrie, veut produire des films qui plaisent au grand nombre. Aux abois, Riccardo accepte la proposition et se soumet.
Après un premier scénario, Battista en nourrit un second, plus important : un remake de l’Odyssée. Il engage le metteur en scène Rheingold et tous quatre, Battista, Rheingold, Riccardo et sa femme s’en vont à Capri où se noue le drame, si l’on peut appeler drame la suite des confrontations tendues que connaît le couple.
Le mépris d’Emilia est contemporain de la collaboration de Riccardo avec Battista. Mais si Riccardo cherche à en connaître les raisons, Emilia fuit ses questions. Elle se dérobe, en apparence incapable de formuler ce qu’elle éprouve. Le mépris est pour elle une donnée de fait, inexplicable, tout comme le fut son amour. Le couple dès lors s’installe dans la distance qui blesse. Emilia du reste n’est pas insensible au charme conquérant d’un Battista et Riccardo est confronté à un dilemme.
Rheingold en suggère indirectement un début d’explication par la lecture qu’il fait de l’Odyssée. A ses yeux, Ulysse n’est nullement un héros homérien mais, un homme engagé malgré lui dans l’expédition troyenne pour fuir Pénélope, dont par son excès de prudence et de sagesse il encourut le … mépris.
Car, trop « politique », Ulysse n’a en rien découragé les prétendants venus faire le siège de Pénélope, restée fidèle non par amour mais par la seule dignité. Ulysse serait donc parti pour fuir ce mépris et aurait à souhait retardé un retour auquel les dieux n’auraient fourni que des prétextes.
Riccardo, intellectuel confronté à une scène où s’affrontent des instincts primitifs (comme si des instincts pouvaient ne pas l’être), serait dès lors l’avatar de cet Ulysse, trop prudent, obséquieux, incapable de repousser le prétendant Battista de qui il dépend, parce que, aussi, en cet occident de la seconde moitié du XXe siècle, les hommes comme Riccardo dépendent d’hommes comme Battista et Rheingold.
Dans leur scène ultime, au mépris d’une pudeur que l’on sent offensée, Emilia livre enfin l’explication tant sollicitée : Riccardo n’est « pas un homme » au sens où l’entend cette femme qui remet son jugement à sa seule intuition primordiale, campant ainsi une très vraisemblable Pénélope face à Ulysse-Riccardo qui ne cesse de tergiverser et de raisonner.
« En substance, j’étais l’homme civilisé qui dans une situation de caractère primitif, en face d’une faute contre l’honneur, se refuse au geste du coup de couteau ; l’homme civilisé qui raisonne, même en face des choses sacrées ou réputées telles » (chap 21).
En 22 chapitres et un peu moins d’une dizaine de scènes, avec une remarquable économie de moyens (arte povera !), Moravia « instruit le procès » du mépris et nous suggère les éléments qui ont participé à sa formation. Toutefois, n’étant « pas un homme », le narrateur ne saurait accéder au substrat des sentiments primitifs et il ne peut qu’en supposer la teneur, spectateur impuissant de sa propre déroute, réduit à raisonner et nous livrer le récit.
Moravia voulut-il dire quelque chose de la place de l’intellectuel et de l’artiste dans une société dominée par les Battista et les Rheingold ? A moins qu’il ne voulût nous faire toucher du doigt la puissance des sentiments primitifs, violents, entiers et instinctifs, que nulle civilisation n’abolira et qu’il appartient aux femmes de questionner ? En plus d’être Pénélope, Emilia serait alors l’oracle dont nous aurions tort de ne pas entendre la terrible révélation.
QUEL EST CE FILM DE JEAN-LUC GODARD ?
Tout, ou presque, a semble-t-il été dit et écrit sur ce monument incontournable du cinéma français, mondial et – tant qu’on y’est – universel. Y compris, peut être, les modestes lignes qui vont suivre. Gloses d’universitaires confirmés, critiques délirantes d’adversaires acharnés ou de thuriféraires convaincus, sans compter les clins d’œil cinéphiliques et les hommages appuyés de quelques cinéastes admiratifs. Pourtant, impassible, le film résiste à ce déluge de commentaires périphériques. Il continue à fasciner ou à rebuter – parfois les deux en même temps – les nouvelles générations de cinéphiles.
Il faut dire que dès les premières secondes, le spectateur est convié à un voyage au cœur même du cinéma. Et si Le Mépris constituait une sorte d’amorce aux futures Histoire(s) du cinéma godardiennes ?
Après tout, avec Le Mépris Godard convoque deux conceptions du cinéma sinon antagonistes, du moins distinctes, et les fait coexister par le truchement d’une mise en abyme, d’un film dans le film (en l’occurrence une adaptation de L’odyssée par un cinéaste allemand "hollywoodien" en fin de carrière).
A ma gauche donc : un transfuge de la série B américaine (l’excellent Jack Palance) – Fritz Lang (en personne…ou plutôt déifié par la caméra de Godard !), Hollywood, Cinecittà, et la figure tutélaire d’Homère.
A ma droite : un couple plongé en pleine crise existentielle, Godard, lui-même, en assistant de Lang, Coutard en chef opérateur, et l’esprit d’André Bazin.
A ma gauche donc : le cinéma dit "classique".
A ma droite : le cinéma dit "moderne".
Avec Le Mépris Godard ose précipiter le couple en crise du Voyage en Italie de Rossellini dans une intrigue à la Mankiewicz (au hasard, La Comtesse aux pieds nus).
Nous sommes en 1963, depuis quelques années déjà, aux quatre coins de la planète, des jeunes cinéastes s’affranchissent du diktat narratif hollywoodien, hérité en partie de La poétique aristotélicienne. C’est toute une conception du monde qui vole en éclat. On peut voir dans le classicisme un cinéma du cosmos, une représentation du monde comme territoire ordonné, hiérarchisé, où l’on distingue le vrai du faux, le bien du mal, et où les personnages vivent en harmonie avec le milieu dans lequel ils évoluent etc.
C’est le monde de Ford, du western classique, celui d’Ulysse aussi, celui-là même que le cinéaste interprété par Lang tente de reconstituer tout au long du film. Par opposition, le cinéma moderne est celui du chaos. Les frontières s’estompent entre le bien et le mal, le vrai et le faux, et, surtout, les personnages semblent confrontés à un monde devenu indéchiffrable.
Le couple Paul/Camille, éminemment moderne, constitue par exemple le pendant moderne du couple mythologique Ulysse/Pénélope, personnages principaux de L’odyssée langienne. Semblables aux figures antonioniennes pour lesquelles Françoise Sagan forgea la notion – désormais galvaudée – "d’incommunicabilité", Paul et Camille sont séparés par un abîme infranchissable. Ils arpentent un monde en ruines abandonné des dieux.
Figure centrale du film, Lang incarne justement un Dieu agonisant qui a fait son temps. Il faut le voir ainsi déambuler dans les décors désertés de Cinecittà, pour mesurer à quel point Le Mépris est un film mélancolique.
Godard lui-même n’échappe pas à cette dichotomie classique/moderne. Lui qui, en tant que critique, a chanté les louanges des pères du classicisme hollywoodien, n’ignore pas qu’une page vient de se tourner. Le voici tout de même partagé entre l’admiration qu’il porte à Lang – et qui se vérifie dans les plans qu’il compose littéralement autour de lui - et sa volonté de fonder un cinéma en phase avec les préoccupations de son époque.
Or l’heure est aux constats. Ainsi si Le Mépris n’a pas la valeur de manifeste de la modernité (comme a pu l’être A bout de souffle, par exemple) il s’impose d’emblée comme un état des lieux de ce jeune cinéma. Il dresse un premier bilan, pose quelques questions essentielles (Qu’est-ce que faire un film en 1963 ?), règle quelques comptes (notamment avec LA figure du producteur hollywoodien aux dents longues).
Aujourd’hui bien sûr la question cinéma classique/cinéma moderne ne se pose plus en ces termes. Le cinéma mainstream a récupéré faux-raccords, et montage "cérébral". Quelqu’un comme Soderbergh peut, par exemple, disloquer sa narration à la manière du Resnais de Je t’aime, je t’aime, sans subir les foudres du public (voir L’anglais).Mais en 1963, sous les apparats d’une superproduction classique, un cinéaste osait interroger le devenir de son art en invitant à la fois, Antonioni et Minelli, Welles et Rossellini, Bardot et Lang…
Du Mépris on a souvent dit qu’il s’agissait de l’œuvre la plus classique de Godard. Pourquoi pas après tout ? Mais n’oublions pas que pour beaucoup, il reste avant tout un classique… du cinéma moderne ! Cette apparente contradiction explique en partie pourquoi Le Mépris constitue toujours, quarante ans après sa sortie, un film de référence(s).
BIOGRAPGIE BRÈVE DU PEINTRE
Amedeo Bocchi (1883-1976) est un peintre italien qui fut actif au xxe siècle
Amedeo Bocchi a été l'élève du peintre Cecrope Barilli auprès du Regio Istituto d'Arte de Parme. Il compléta d'abord sa formation artistique à Rome où en 1902, il fréquenta La libre Académie du nu de Rome et enfin à Padoue auprès d'Achille Casanova qui lui apprit la technique de la fresque.
En 1910, il exposa pour la première fois à la Biennale de Venise et en 1926 il obtint le premier prix de Portrait féminin à Monza.
La ville de Parme lui a consacré un musée au Palazzo Sanvitale retraçant toute sa carrière artistique.
UNE IDÉE DE MUSIQUE D'UN BONHEUR CONTAGIEUX
"Le Mépris" - Camille Thème, "Contempt" | Georges Delerue
https://youtu.be/arX8xf_p1vk
Georges Delerue, (1925-1992), est un auteur de plus de trois cents musiques de films, il reçoit à trois reprises le César de la meilleure musique, en 1979 pour Préparez vos mouchoirs, en 1980 pour L'Amour en fuite et en 1981 pour Le Dernier Métro, et l'Oscar de la Meilleure partition originale lui est décerné en 1980 pour I love you, je t'aime.
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