LES ŒUVRES D'ART DE PIERRE BONNARD SONT UN ARRÊT DU TEMPS
LES ŒUVRES D'ART
DE PIERRE BONNARD
SONT UN ARRÊT DU TEMPS
De toute ma curiosité, je m’acharne à deviner comment s’y prend Bonnard pour si bien attraper en deux ou trois projections éclairs la tonalité affective, le rythme de la structure d’une scène que, du jour au lendemain, il puisse transcrire dans sa toile l’équivalent musical de l’image visuelle d'un Serge Prokofiev.
Pierre Bonnard (1867-1947) fut longtemps considéré comme un artiste un peu « inoffensif », mineur en somme.
Parce qu'il pratiqua une peinture en marge des courants d'avant-garde, axée sur des sujets traditionnels dont on ne retenait que l'aspect bourgeois (intérieurs, tables servies, jardins) et l'approche hédoniste
Pierre Bonnard. Femmes au jardin (1891). Détrempe à la colle sur toile, chaque panneau 160,5 × 48 cm, musée d’Orsay, Paris. Ces quatre compositions sont conçues comme les volets d’un paravent. Stylistiquement et techniquement, Bonnard s’inspire des estampes japonaises. La peinture à l’huile est remplacée par la peinture à l’eau. Le choix esthétique est éloigné de l’académisme, qui avait pour ambition une représentation exacte de l’image captée par l’optique humaine. Il s’agit au contraire ici d’un choix purement esthétique privilégiant l’étude du mouvement et de la forme, avec une ambition décorative autour du sujet principal.
Les titres sont les suivants : Femme à la robe à pois, Femme assise au chat, Femme à la pèlerine, Femme à la robe quadrillée.
BIOGRAPHIE DE PIERRE BONNARD
Pierre Bonnard est né à Fontenay-aux-Roses,
Faculté de droit, avocat en 1890. Il suit en même temps les cours de l'Académie Julian et l'École des beaux-arts de Paris, où il rencontre Édouard Vuillard, de qui il se rapproche. Il découvre les peintures de Paul Gauguin, Edgar Degas, Claude Monet et Paul Cézanne.
Pierre Bonnard adhère au groupe des nabis, composé, entre autres, d'Édouard Vuillard, Maurice Denis et Félix Vallotton. Il est fortement influencé par les idées de Paul Gauguin .
Les nabis s'avèrent également novateurs dans le domaine des arts graphiques, en réalisant des albums d'estampes et des livres illustrés. Pierre Bonnard est le premier nabi à s'intéresser à l'affiche.
Rejetant au départ le modelé de la peinture traditionnelle en faveur d'aplats de couleurs franches, cernés par une ligne évocatrice et élégante qui vise à l'effet décoratif.
En 1926 il se retire au Cannet.
Pierre Bonnard. Ciel d’été (1915). Huile sur toile, 57 × 74 cm, collection particulière. En 1912, Pierre Bonnard fait l’acquisition de cette maison (Ma Roulotte), située au hameau Ma Campagne, à Vernon en Normandie. Il avait déjà loué cette maison l’année précédente et avait été séduit par la vue sur la Seine et la proximité de Giverny, à cinq kilomètres, où résidait son ami Claude Monet.
LA FRANCE DE PIERRE BONNARD
La Normandie et le Midi (1914-1947)
En 1912, Pierre Bonnard acquiert une maison, baptisée Ma Roulotte, près de Vernon en Normandie.
Il n’est pas mobilisé en 1914, mais sera envoyé en mission pour peindre des scènes de guerre. Il n’en réalise qu’une, qui reste inachevée. Bonnard, peintre de l’intimité, n’était sans doute pas inspiré par les ruines, les explosions et les combats.
Sa vie amoureuse l’amène vers d’autres femmes, mais il ne quittera jamais Marthe. De 1916 à 1918, il a une liaison avec l’épouse de son médecin, Lucienne Dupuy de Frenelle, dont il fera de nombreux portraits. En 1918, il rencontre un modèle, Renée Monchaty, qui devient sa maîtresse. La liaison dure jusqu’au mariage du peintre avec Marthe. Renée se suicide quelques semaines après ce mariage, en 1925.
Pierre Bonnard. Paysage du Cannet (1923). Huile sur toile, 47,3 × 39,4 cm, Fondation Bemberg, Toulouse. Les paysages de Bonnard révèlent l’un des plus grands coloristes du 20e siècle. Ce paysage, avec sa ligne d’horizon placée très haut reprend la composition des paysages-monde des flamands du début du 16e siècle (par exemple Joachim Patinir, Paysage avec saint Jérôme, 1515-19). Les multiples détails du paysage se combinent avec la perspective infinie se déployant à l’horizon. Mais ici, la couleur n’est plus descriptive ; elle traduit la vision singulière de l’artiste.
La réputation artistique de Pierre Bonnard est désormais solidement établie. Il envoie chaque année des tableaux au Salon d’automne. Les expositions particulières se succèdent : à la galerie Bernheim-Jeune en 1921 et 1926, à la galerie Eugène Druet en 1924. Il est reconnu aux États-Unis et reçoit en 1923 le prix Carnegie, attribué par le musée des Beaux-Arts de Pittsburg. En 1926, il séjourne aux États-Unis et en 1928 une exposition Bonnard se tient à la galerie César de Hauke, à New York.
L’attractivité de la côte méditerranéenne conduit Pierre Bonnard à acquérir en 1926 une villa au Cannet, à proximité de la ville de Cannes. Cette villa, appelée Le Bosquet, ne deviendra sa résidence permanente qu’en 1939, à la déclaration de guerre. Jusqu’à cette date, il fait des allers-retours entre Le Cannet et Paris. La villa n’est pas luxueuse mais constitue un havre de paix et offre un panorama magnifique sur la baie de Cannes et le massif de l’Estérel. Le seul luxe que le couple s’offrira est une baignoire, exigée par Marthe. La villa Le Bosquet est aujourd’hui devenue un musée Bonnard et le site (jardin et maison) est classé. Toute modification exige donc une autorisation ministérielle.
Pierre Bonnard. Iris et lilas (1920). Huile sur toile, 57 × 63 cm, Fondation Bemberg, Toulouse. Les iris attirent les peintres par le contraste des couleurs et par l’ondulante élégance des feuilles, que Van Gogh avait mise en évidence en 1889 (Les Iris). Bonnard reprend largement de chromatisme de Van Gogh, en particulier les complémentaires jaune-violet.
La réputation du peintre grandit dans les années 1930 et plusieurs expositions de ses œuvres ont lieu à New York, à Londres, à Zurich. Il devient même membre de l’Académie royale des arts de Suède en 1939. Il passe la seconde guerre mondiale au Cannet, loin du conflit, mais certainement pas indifférent. Il correspond beaucoup avec Matisse et le rencontre au Cannet, à Nice et à Saint-Paul-de-Vence. Le peintre Henri Lebasque, installé également au Cannet, figure parmi ses amis. Mais l’époque de la guerre est aussi celle de la perte de son ami de toujours, Édouard Vuillard, mort en 1940, puis de Marthe, son épouse, son modèle et sa muse, en 1942. En 1945, sa nièce Renée Terrasse vient vivre auprès de lui au Cannet.
Pierre Bonnard meurt le 23 janvier 1947 et est inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Anges au Cannet, aux côtés de Marthe.
Pierre Bonnard. L’amandier en fleurs (1946-47). Huile sur toile, 55 × 37,5 cm, musée d’Orsay-Centre Pompidou, Paris. Ce dernier tableau (inachevé) de l’artiste représente l’amandier fleuri qu’il voyait de la fenêtre de sa chambre au Cannet. Malgré la maladie, il ne cessera d’y travailler au cours des derniers mois de sa vie en ajoutant sans cesse des fleurs et demandant même, la veille de sa mort, à son neveu Charles Terrasse de modifier la couleur verte en bas à gauche pour la remplacer par du jaune. Œuvre célèbre, cet amandier reflète la perception d’un mourant sur ce qu’il a le plus aimé dans sa vie : son jardin, son petit paradis du Cannet. Il est alors possible de gloser à l’infini sur le sujet et même d’y voir, comme certains commentateurs recherchant une originalité factice, un autoportrait du peintre.
Pierre Bonnard. Nu à contre-jour (v. 1908). Huile sur toile, 124,5 × 109 cm, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles. Bonnard a photographié et peint la nudité de Marthe, son épouse, pendant des décennies. Il la représente non pas comme un modèle posant en atelier mais comme sa compagne dans son univers domestique, en multipliant les points de vue et l’éclairage. La présente scène est une étude du corps cambré de Marthe face à la lumière venant de la fenêtre en arrière-plan (contre-jour). La vue plongeante permet au peintre de concentrer les objets domestiques et le nu sur une même image.
Pierre Bonnard. La lettre (v. 1906). Huile sur toile, 55 × 47,5 cm, National Gallery of Art, Washington. Le thème de la lettre, que Vermeer avait beaucoup utilisé au 17e siècle, est resté un sujet d’inspiration pour les peintres. Il s’agit en général d’une jeune femme – plus rarement d’un homme – qui se concentre sur cette activité intellectuelle. L’interprétation est libre, mais le spectateur songe en général à une lettre d’amour. La vue plongeante permet ici de saisir à la fois le dessus de la table, la gestuelle et le visage.
Pierre Bonnard. La femme au peignoir rouge (1916). Huile sur toile, 50,5 × 34 cm, Fondation Bemberg, Toulouse. Cette scène de la vie quotidienne, où une femme (Marthe) tient une assiette dans une main et une cuillère dans l’autre, est construite autour de la couleur rouge du peignoir, qui avait probablement frappé le peintre. Le peignoir rouge de Marthe apparaît comme l’élément central, tout le reste étant périphérique.
LE NABISME STYLE DE PIERRE BONNARD
Le mouvement des nabis, proche du symbolisme et du synthétisme, est né en 1888 à l'occasion d’une discussion entre peintres sur le tableau de Paul Sérusier (1864-1927) Le Talisman (1888) réalisé à Pont-Aven. La petite ville bretonne de Pont-Aven (Finistère) était à cette époque un centre d’attraction pour beaucoup de peintres français ou étrangers, en particulier américains. Sérusier passe l’été de 1888 à Pont-Aven et y rencontre évidemment d’autres artistes. C’est Paul Gauguin qui aura le plus d’influence sur Sérusier : il s’éloignera du réalisme et utilisera des couleurs plus vives. Revenu à Paris avec un tableau inspiré par Gauguin, il transmet son enthousiasme à ses condisciples de l’Académie Julian. Le tableau est baptisé Le Talisman.
Sérusier revient à Pont-Aven au cours de l’été 1889, puis il constitue avec Pierre Bonnard (1867-1947), Maurice Denis (1870-1943), Henri-Gabriel Ibels (1867-1936) et Paul-Elie Ranson (1861-1909) le groupe des Nabis (nabi signifie prophète en hébreu).
Pierre Bonnard. Le chemisier vert (1919). Huile sur toile, 101,9 × 68,3 cm, Metropolitan Museum of Art. « Cette peinture représente une scène que l'artiste a souvent dû observer. Sa compagne de longue date et future épouse, Marthe (Maria Boursin), est assise à une table chargée de vaisselle et d'un bol de fruits. Le profil d'un domestique ou d'une femme de chambre est visible à gauche. Bien que Marthe ait atteint la cinquantaine à cette époque, elle apparaît sans âge, comme toujours dans les peintures de Bonnard. » (Commentaire Metropolitan Museum of Art)
Pierre Bonnard. Andrée Bonnard et ses chiens (1890). Huile sur toile, 188 × 80 cm, collection particulière. Andrée (1872-1923) est la sœur cadette de Pierre Bonnard, dont il était proche dans sa jeunesse. Elle épouse en 1890 Claude Terrasse qui deviendra un célèbre compositeur d’opérettes. La famille Terrasse sera peinte et photographiée par Bonnard à de nombreuses reprises. Elle était pour lui un second foyer.
Ce groupe a des préoccupations spiritualistes. Il s’intéresse à l’orphisme (doctrine de la Grèce antique fondée sur le mythe d’Orphée) ou à la théosophie (syncrétisme religieux selon lequel toutes les religions recèlent une part de vérité). Sur le plan pictural, les Nabis cherchent surtout à se libérer du réalisme et de l’impressionnisme. Ils valorisent l’intériorité : ainsi selon Sérusier, « l’art est un moyen de communiquer entre les âmes ».
Les autres principaux peintres nabis sont : Édouard Vuillard (1868-1940), Félix Vallotton (1865-1925), Mogens Ballin (1872-1914).
Pierre Bonnard. Portrait de femme au grand chapeau (1917). Huile sur toile, 34 × 27,5 cm, collection particulière. Le modèle non identifié n’est pas représenté dans un cadre naturel, mais l’arrière-plan jaune, le chapeau et l’ombre sur le visage évoque la chaleur et la luminosité. L’artiste suggère sans représenter.
Pierre Bonnard. Les frères Bernheim-Jeune (1920). Huile sur toile, 166 × 155 cm, musée d’Orsay, Paris. Il s’agit de Joseph Bernheim (dit Josse, 1870-1941) et de Gaston Bernheim (1870-1953) qui avaient ouvert une galerie à Paris en 1906, dénommée Bernheim-Jeune-Frères pour la distinguer d’une galerie Bernheim plus ancienne. Cette galerie devint l’un des pôles de l’avant-garde artistique parisienne.
CONCLUSION
Pierre Bonnard est un des peintres les plus importants de la première moitié du xxe siècle et l'un des plus grands coloristes de la peinture occidentale. Après avoir été l'un des principaux représentants du nabisme, il évolue vite vers une peinture très personnelle.
D'abord confinée dans un chromatisme austère qui traduit avec bonheur l'atmosphère chaude et feutrée des scènes intimistes, sa palette s'éclaircit rapidement à partir de 1905. Bonnard découvre alors les impressionnistes, mais refuse de se laisser dominer comme eux par les spectacles de la nature. En même temps qu'il s'efforce de réagir, par une composition plus rigoureuse, contre la désagrégation des formes colorées, il crée peu à peu un univers enchanté de jeunes femmes resplendissantes, de paysages inondés de soleil, de bouquets et de fruits miraculeusement préservés des atteintes du temps.
Il suit les bouleversements qui affectent le domaine des arts dans les trente premières années du siècle – fauvisme, cubisme, surréalisme – mais s'en tient à l'écart. À partir de 1930, par un chromatisme de plus en plus éclatant, son œuvre s'affranchit graduellement de la réalité et parvient à exprimer l'espace par la seule juxtaposition des tons. Affichiste, décorateur, lithographe, Pierre Bonnard a influencé plusieurs générations de peintres ; son apport fondamental à l'élaboration du langage figuratif de notre temps réside dans l'exploration méthodique des ressources de la gamme chromatique, le refus de la perspective traditionnelle et l'affirmation du caractère bidimensionnel de l'espace pictural.
Pierre Bonnard. Ambroise Vollard (v. 1904). Huile sur toile, 73 × 60 cm, Emil Bührle Collection. Ambroise Vollard 1866-1939) est un galeriste et écrivain français qui révéla de nombreux peintres, dont Paul Cézanne, Paul Gauguin, Vincent van Gogh, Henri Matisse, Pablo Picasso.
Pierre Bonnard. Madame Émile Bernheim (1916). Huile sur toile, 96 × 82 cm, musée d’Orsay, Paris. « Bonnard fut de tout temps passionné par les effets de lumière sur ses sujets et ses modèles. Il supprime les contours et donne vie à son personnage grâce à une sorte de halo rayonnant qui n’indique pas de source précise d’éclairage. Mme Bernheim est représentée ici dans une attitude naturelle, légèrement en surplomb, dispositif qui est l’un des codes du portrait mondain depuis le XVIIIe siècle […] Mme Émile Bernheim était l’épouse d’un cousin et collaborateur de Josse et Gaston Bernheim, propriétaires de la fameuse galerie Bernheim-Jeune à Paris, chez qui Bonnard exposa régulièrement à partir de 1900 et qui furent ses fidèles soutiens. » (Commentaire musée d’art et d’industrie André Diligent, Roubaix)
UNE MUSIQUE D'UN BONHEUR CONTAGIEUX
Prokofiev : Suggestion Diabolique op.4 n°4 des Quatre pièces pour piano (Boris Giltburg)
https://youtu.be/7WFrx0cHBL4
Sergueï Prokofiev est un compositeur russe de la première moitié du XXème siècle. Son style se caractérise par une grande liberté prise vis-à-vis des règles de l’écriture classique, un rôle prépondérant accordé au rythme, l’association d’un lyrisme moderne et d’inspirations plus sobres. Inspiré par le 7ème art, il est connu pour sa collaboration avec Sergueï Eisenstein.
Dès l’enfance, Sergueï Prokofiev montre des facilités pour l’apprentissage de la musique et pour la composition. Au conservatoire de Saint-Pétersbourg, il étudie l’orchestration avec Nicolaï Rimski-Korsakov et affirme très tôt son anticonformisme. A vingt-deux ans, il remporte le prix Anton Rubinstein, plus haute distinction décernée aux pianistes-compositeurs par le conservatoire. A l’occasion d’un concert, il joue devant Igor Stravinsky, puis quitte la Russie pour Paris où il rencontre Serge de Diaghilev et monte plusieurs ballets. Au moment de la Révolution russe en 1917, il choisit l’exil, ce qui lui permet de se consacrer entièrement à la composition. Après avoir écrit sa première symphonie, il crée à Chicago une œuvre essentielle dans sa carrière, l’opéra L’Amour des trois oranges, qui connait tout de suite un grand succès. Il continue à composer de nombreuses œuvres à travers l’Europe (concertos, symphonies…).
En 1933, attiré par les promesses du gouvernement, il décide de rentrer en Russie. C’est une autre période fructueuse (Roméo et Juliette, Cendrillon, Ivan le Terrible…) qui prend fin avec la guerre. Après de graves problèmes de santé, persécuté par l’URSS, il s’éteint presque dans l’oubli, effacé par la mort de Staline le même jour.
A l’exception de la musique religieuse, Sergueï Prokofiev s’est illustré dans tous les genres musicaux ; mais ce sont ses œuvres pour piano, ses ballets et sa musique pour le cinéma qui font aujourd’hui sa popularité. Le compositeur s’est particulièrement épanoui dans l’art de la bande originale, notamment aux côtés du réalisateur russe Sergueï Eisenstein avec les films Alexandre Nevski (1938), Tonia (1942, jamais diffusé) et Ivan le Terrible (1945).
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